A ton avis ?

Un ingrédient indispensable au vivre ensemble

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Aider nos enfants à avoir leur opinion

Depuis cet été, je fais un jeu avec ma belle-fille (14 ans). Dès qu'elle me pose une question, je lui réponds :

"à ton avis ?"

Au début, elle était agacée de ne pas obtenir de réponse. Avec l'entraînement, elle y prend goût. Exprimer les raisons de penser ce qu'elle pense est encore parfois inabouti, mais ça progresse très sérieusement. J'observe aussi qu'elle partage plus spontanément son avis et qu’elle prend plus facilement mon avis d’adulte pour ce qu’il est : un avis et non la Vérité Universelle. Pour l’y aider, je prends souvent soin d’employer des formules telles que “moi, je crois que”, “de mon expérience de vie”, etc.

Son père s'y est mis aussi. Les moments les plus intéressants sont, je crois, lorsque nos regards divergent. Alors, nous sommes attentifs à les partager en exprimant nos raisons personnelles, plutôt que d'argumenter vers une raison universelle.

La réalité des enfants et celle des adultes

Dès l'enfance, j'avais des perceptions fortes sur beaucoup de choses souvent incompatibles avec la vérité des adultes. Concilier ces deux réalités, dans une culture où la vérité du supposé le plus fort, l'adulte, s'impose, a souvent été très difficile pour moi. Avec le temps, j'ai appris à privilégier ma propre vérité, comme celle qui est ma réalité. À faire de mon mieux pour accueillir, comprendre celle de l'autre. À refuser les débats et la violence qui va avec. Cela m’apporte de la sérénité, m’ouvre le cœur aux autres et à ce grand mystère qu’est notre passage sur la Terre. J’ai observé aussi que cela autorise, encourage, ceux qui aspirent à cette paix intérieure et relationnelle à adopter un comportement similaire.

Aujourd'hui comme thérapeute, j'observe que la difficulté à écouter à l'intérieur de soi son propre avis, puis à le prendre en compte, tout en vivant avec d'autres ayant leurs propres vérités, est au cœur de tous les enjeux de vie. Que ce soient les grands changements ou les petits tracas de la vie quotidienne. Cela cause tant de souffrance gratuite. Une souffrance qui, contrairement à la morale qui incite à prendre “sur soi” pour le bien commun, n’apporte aucun bénéfice. Ni à l'entourage, ni à la personne concernée.

Cette croyance, que prendre (un peu) sur soi serait au (grand) bénéfice du bien de tous, amène au contraire à nuire au collectif en n’occupant pas sa place. Comme je l’ai écris dans mon livre, Expérimenteur au coeur clair,

 “Se préoccuper d’être normal plutôt que d’être pleinement soi, c’est priver le monde de sa part de divin.”

Il est difficile pour les parents et l'ensemble des personnes qui contribuent à l'éducation d'un enfant de gérer les impératifs du quotidien, et, dans le même mouvement, d'accompagner cet enfant à écouter, formuler, exprimer son avis. Sans compter qu'ensuite, il faut lui signifier que cet avis est respectable, qu'il a de la valeur, du simple fait que ce soit le sien.

C'est pourtant au sein des familles, dans les comportements du quotidien, que cette éducation à avoir son avis, à comprendre et à respecter ceux des autres peut se faire. Sans compter le sens de l'à-propos pour l'exprimer ou non. 

Ce point est crucial pour que cet enfant, devenu adulte, puisse se réaliser et s'épanouir dans sa propre vie. C'est aussi crucial pour l'influence qu'il aura sur ses proches : famille, amis, collègues.

Comme citoyenne, aujourd'hui, je sais combien c'est essentiel pour être acteur de la démocratie et apporter une résistance aux dérives totalitaires.

Enfin, c'est comme être spirituel vivant une expérience humaine, que je crois indispensable que chacun porte sa voix et manifeste sa contribution au monde. C’est ainsi que les intérêts individuels et collectifs se rejoignent dans ce grand mystère qu’est la vie.

 

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