Michel est hyperactif. Et alors ?

Témoignage recueilli par Aimée

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Quand j'ai rencontré Michel, il ne prenait jamais de vacances et cela ne semblait pas un problème pour lui. Il avait une activité professionnelle passionnante et une grande énergie. Un jour, dans la conversation, il m’a appris être hyperactif.

Aujourd’hui Michel a 34 ans, il travaille toujours beaucoup et prends aussi des vacances. Je l’ai sollicité pour témoigner sur ce sujet. Pendant notre interview, il s’exprime posément et je le sens vraiment présent.

Cet article est un témoignage, ce n'est pas une fiche repère universelle, c’est la vérité de Michel. C'est déjà beaucoup.

Comment as tu appris ton hyperactivité ?

Le déclic c'était à un repas de Noël en famille où je m'ennuyais. Je ne trouvais pas d'intérêt dans les échanges et je n'avais aucune distraction. Ce jour-là, je me suis senti furieux, d'une fureur démentielle. Je devais avoir 28 ou 29 ans. Je n'ai pas exprimé ma fureur parce que je me suis rendu compte que ce que j'éprouvais était absurde vis-à-vis de la scène qui était face à moi. Je me suis dit : ce n'est pas normal de se retrouver en pleine dissonance avec la réalité qui est autour de soi.

J’avais assez d’indices pour penser être hyperactif, même si on ne me l'avait jamais dit. Je suis allé sur internet pour trouver un psychologue spécialisé sur ce sujet chez les adultes. Il y en a peu, la plupart sont dédiées aux enfants. Ce psy m'a fait passer des tests psycho-techniques à la fois de QI et d'attention. Je suis ressorti avec le diagnostic : « vous êtes hyperactif ». J'étais très content ! Le fait que l’on m’ait dit que j'étais malade de ça, tout de suite, ça allait vachement mieux.

Ce psy m'a expliqué que le problème c'est mon rapport à ce qui se passe. Pas ce qui se passe autour de moi, ni ma personne en tant que telle.

Maintenant, comment cela se passe avec ton hyperactivité ?

Beaucoup mieux. Si je vois une scène qui m'insupporte je vais trouver une échappatoire quitte à l'inventer dans ma tête. Le problème c'est si je ne me rends pas compte, je peux être embêtant pour les autres ou embêtant pour moi-même, en bloquant sur quelque chose de façon obsessionnelle par exemple.

Ma capacité à m’adapter s’est améliorée. Par exemple, les moments où cette différence fait que je pourrais presque virer au harcèlement de quelqu'un en mode : « il faut avancer là-dessus, il faut avancer là-dessus, pourquoi tu n'avances pas là-dessus?! » parce que je ne comprends pas pourquoi la personne avance si lentement, si peu... Au bout d'une heure, l'autre, il pète une durite! Alors que moi je veux simplement qu'on avance. Avant quand cette personne me disait : « tu es bizarre, arrête de me dire ça !", moi je considérais que c'était lui qui était bizarre! Je réexpliquais pour me faire comprendre. Maintenant, dans ces moments-là, je réalise que j'ai « viré hyperactif » et je m'adapte.

"Avec les autres il y a deux écueils. Soit l'autre n'adhère pas à ton rythme ou, à l'inverse, tu n'arrives pas à le suivre : à être dans son monde qui te semble dénué d'intérêt."

J'ai l'impression d'avoir bien développé la parade de fuite. C'est quelque chose que je sais mettre en œuvre y compris discrètement. Aujourd'hui ma difficulté ce serait plutôt comment je me relie aux autres. Si je fais l'effort d'entrer sur leurs sujets de conversation, à leurs rythmes, c'est fatiguant. J'ai décidé récemment de consulter quelqu'un sur ces sujets. Je sais que pour les problèmes d'attention scolaire on utilise de la Ritaline. Je ne suis pas certain que cela soit bon à prendre tous les matins... De toute façon le but n'est pas de résoudre le problème pour 1h. Il faut vivre sans médoc. Je pense que la plupart des choses que l'on ingurgite sont plutôt mauvaises pour le corps.

"Souvent les gens consultent des psys parce qu'ils ont du mal à gérer leur hyperactivité. Moi j’en ai aussi fait une force. Je me suis construit avec ça je n'ai pas été ennemi de mon hyperactivité. "

Je l'ai exploitée, je me suis trouvé un travail, dirigeant d'entreprise (patron d'un éditeur de logiciel), qui est assez diversifié, stimulant, complexe qui correspond parfaitement à mon caractère. Je me suis fait un environnement qui me va à tous les niveaux y compris relationnel. Je passe un bon moment à Noël puisque j'identifie les trucs à bricoler dans la maison.

C'est aussi un travers de m'intéresser à beaucoup de choses tout le temps. D’abord ce peut-être exténuant pour moi et j’ai aussi l'impression de ne jamais finir. Parfois une soirée cool s’annonce. J'ai 2 heures devant moi, j'écris ce que j'ai à faire, il y a ça, ça, ça… et je te fais un programme de 4h. 4h, si j’y vais à fond ! Il y a une notion de remplir le temps vide. Je me projette vite dans un volume de choses infaisables. La deuxième conséquence c'est ma difficulté à profiter du présent. Comment profiter d'un moment avec des amis si je sais que je n’ai pas fini quelque chose ? Ma parade est de sortir tout ça de ma tête. J'avais prévu 6h d'activité, j'en ai fait 3. Les 3 qui restent je vais les programmer dans mon agenda. C’est maîtrisé parce que pour moi la réalisation est acquise. J'ai l'angoisse que, à n'importe quel moment, quelque chose que je n'ai pas fini apparaissent dans ma tête. Alors je n'aurai qu'une envie, celle de le faire maintenant. Cela me coupera de ce que je suis en train de vivre. Pour cloisonner, je note ou je pose un objet quelque part. Je mets les sujets dans des boites pour éviter qu'ils me pourrissent la tête. La limite c'est que je ne suis pas disposé à en parler tant que je n'ai pas réouvert la boite. Si quelqu'un parle de ce sujet à ce moment-là, je vais lui proposer de mettre un post-it à l'endroit en question, je ne peux pas en parler avec lui. Les boîtes je les prends une par une. Sinon cela devient confus dans ma tête. Une personne qui qui part dans tous les sens, c'est une abomination, je n'arrive pas à suivre, je ne peux pas l'aider. Cela surenchérit sur ma tendance naturelle.

Si je m'écoutais je ferais tout. Je ne comprends pas qu'on ne puisse pas tout faire. C'est en permanence : je vois un truc dans la rue je me dis « tiens, ça faudrait le réparer » et puis « ça, ça serait bien d'en faire autre chose ». C'est infini! Je fais des listes que je priorise pour décider ce que je vais faire.

Est-ce que tu as l'impression qu'il y a d'autres personnes qui ont des types de personnalités comme toi dans ton entourage ?

J'ai peut-être plus de proches hyperactifs parce que cela nous amuse et qu'il y a une affinité naturelle. Je n'ai pas pour autant que des amis hyperactifs. En revanche mes amis sont habitués à ce que je le sois et ils m'ont accepté comme ça. J'ai moins d'efforts d'adaptation à faire avec eux. Parfois j'ai des remarques mais c'est plutôt en mode humour. Par exemple, l'autre jour, nous étions à table et un ami me parlait de la sortie de son livre. On a été interrompu dans notre conversation. Moi je suis passé complément à autre chose. Lui il m'a dit : « tu me poses la question, mais en fait, tu n’en as rien à foutre de mon livre?! » Ce n' est pas que ça ne m'intéresse pas, c'est que d'autres choses m'intéressent aussi.

Tu as parlé de diagnostic, de maladie et de force. Est-ce que tu penses que être hyperactif c'est d'abord une maladie ou un trait de caractère ?

Il n'y a aucune maladie là-dedans. Il existe des problèmes psychologiques graves, là ce n'est pas le cas. J'emploie le mot maladie parce que c'est comme cela qu'on le qualifie en France.

"Je pense que chacun doit apprendre à vivre avec lui-même avant tout.​"

En général on diagnostique l’hyperactivité à travers l'échec scolaire. Le comportement d'un enfant qui ne faisant pas attention à son environnement, ne suit pas ce qui se passe et se retrouve en échec. En plus d'être hyperactif, je suis surdoué. A l’école, j’ai toujours eu un 10 + un peu spécial avec des moyennes de 0 à 19. Bac de français hors sujet à l'écrit = 3, Physique = 19. Tout cela sans réelle explication, sauf peut-être un désintérêt pour certaines choses et un grand amusement pour d'autres.

Moi, comme je n'étais pas en échec scolaire, on ne m'a pas diagnostiqué enfant. J'en veux à mes parents, j'aurais aimé le savoir plus tôt. J'étais très colérique, je pense que cela est lié à l’hyperactivité. J'avais quelque chose à exprimer, ce n'était pas écouté. Ce n'était pas la colère en soi, c'était l'intensité et la récurrence qui aurait dû être un élément pour eux. D’une façon plus générale je fais un lien avec l'éducation où on demande aux enfants de s'adapter à l'éducation et pas l'inverse. Si on aidait chacun à se connaître un peu plus on ferait du mieux. Je sais que c'est difficile à appliquer à l'échelle d'un Etat. C'est compliqué aussi car quand on a un caractère particulier, souvent on le cache, on ne l'assume pas. On aurait pu me mettre n'importe quel psy, en face de toute façon, j'étais tellement bloqué, je restais en retrait je n'avais plus de rapport aux autres. Je me suis enfermé parce que je n'étais pas écouté. J'abandonnais.

Pour moi le plus important c'est arriver à bien vivre le rapport à l'autre au présent. Éviter de se créer une bulle à part, tout en assumant l'environnement qu'on aime et dont on a besoin. Le but n'est pas d'être comme tout le monde, au même endroit que tout le monde, à faire la même chose que tout le monde.

"Un trait de caractère bien vécu et bien assumé ça vaut tout l'or du monde. ​"

Cultiver sa différence c'est une marque de fierté dans la vie. Il y a beaucoup de personnes qui se questionnent « en quoi je suis différent ? en quoi j'existe ? » et bien moi j'existe aussi à travers mon hyperactivité. Cela contribue beaucoup à mon bonheur. Même s'il y a des choses qui ne vont pas, le fait de dire, d'assumer que je suis hyperactif, d'avoir créé mon environnement, c'est très agréable et ça me rend heureux au quotidien. A l'opposé d'une maladie c'est un plaisir de cultiver ma différence, j'ai quelque chose d'unique, j'ai quelque chose à raconter.

Qu'est-ce qui t'a le plus aidé ?

Ce qui est le plus utile, quand quelque chose ne va pas, c'est d'être aidé. Je regrette de ne pas avoir poussé la porte d'un psy plus tôt. Ce n'est jamais trop tard. Simplement, le plus tôt c'est le mieux.

Cet échange avec Michel m'a notamment fait pensé aux articles suivants :

Méditer ou pas!j'y ai ajouté un paragraphe sur les méditations actives spécialement pour Michel.

Un psy, un coach ou un chaman: parce que moi aussi enfant, j'étais très colérique et que c'est comme cela que j'ai vécu, avec bonheur, mon premier rdv chez un psy.

Propos de Michel recueillis par Aimée, Créatrice de PSdeToi

Premiers Pas, par PSdeToi. Des ateliers pour cultiver joie de vivre, relations harmonieuses et estime de soi